Pélerinage à Sainte-Mélissande

Sujet: Pélerinage à Sainte-Mélissande Mar 19 Mai 2009, 9:59 am

Euryale, au cours des derniers jours, avait rajouté à ses charges déjà lourdes des préparatifs faits dans l'effervescence. Elle avait amassé quelques provisions, de l'eau, un ouvrage écorné, ainsi, bien sûr, que deux tenues apropriées pour les longues marches en forêt, pour elle et la petite Marianne.

Le Sphinx, cougar ocellé de blanc, rôdait de plus en plus souvent aux abords de la cité, alors qu'Euryale peaufinait les préparatifs.

Bientôt, viendrait le temps de partir. Il ne manquait que la confession...

Citadin Impliqué Nbre de messages : 543 Inscription : 21/02/2009

Une fois la confesse faite, Euryale fit la lecture à la petite Marianne, près des Écuries, du livre écorné :

-Trois jours durant, devra marcher
Trois jours durant, symbiose devra trouver
À nature, que devra intégrer

Au côté d’animal et de Dieu devra arpenter
Val herbeux et collines dégagées
Par les bois, devra aller
Pour, la Clairière au Félins trouver

Du havre, devra se diriger
Vers pic, vers nuages dressé
Jour et nuit en entier, à prière devra consacrer

Dans rivière fraiche se devra de baigner
Afin, de corps et âme, d’être purifié
Toute souillure, eau-vive saura laver
Au sortir des eaux, pèlerin sera de nouveau né

Icelui, devra de toute richesse se dénuer
Seul sa tenue pratique, il devra emporter
Avant de se mettre à escalader

Atteindre le sommet du pic il se devra
Pour fouler le Sanctuaire, toucher nuages des doigts
Fleur de Mélissande, Eidelweïs, là il trouvera

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Aux aurores elles s'en étaient allées, la jeune Marianne et elle, à pied.

Elles avaient entrepris un premier chemin vers la jungle, jusqu'à aboutir à un lac surplombé d'une chûte, qui décomposait la lumière en maintes couleurs. Au pied d'un lierre, Euryale se mit à écrire alors que Marianne jouait et tentait d'observer les bêtes.

-Est-il un jour où pensée ne vient effleurer
Promesse qui fut faite, noms engagés
Ce jour et avant, ai juré la faire respecter
Et à jamais, à cette promesse, je me tiendrai

Je recommande votre âme au Très-Haut. Avec amour, aspellorité et déférence.
£.

Elle laissa le parchemin là, retenu par une pointe d'aubépine au pied d'un arbre, sa blancheur tranchant sur les feuilles ocres et les verts herbages qui y reposaient jusqu'alors.

Après cette première halte qui les écartait un peu de leur chemin, alors qu'elles reprenaient leur route vers la clairière aux cougars, qu'elles trouveraient après trois jours de marche, la jeune Marianne interrogea.

-Pourquoi tu as laissé un papier, maman?

-C'était une prière... une recommandation à Dieu. Un aspellor a disparu, il y a une saison et ce n'est pas de sa nature... Qu'importe, Marianne. S'il est à la dextre de Dieu, je te le présenterai un jour, lorsque, pétries par les années, nous regagnerons le Circan. Qu'importe. Égrène ton chapelet, comme je te l'ai appris, en marchant. Une prière par perle, cinq pas par prière...

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Les trois premiers jours se passèrent comme ils durent. La jeune fille et la damoiselle égrénèrent leur chapelets, marchant lentement. La petite Marianne se laissait aisément distraire par la forêt et les voutes vertes qu'elle présentait, par la faune devant laquelle ils passaient, les bêtes qu'ils entrapercevaient, les fleurs qui bourgeonnaient...

Auprès d'elles, il y avait le Sphinx, massif cougar moucheté de blanc. Elles prenaient pauses brèves, dans les clairières. Mangeant repas frugaux, de poisson séché qu'elles avaient emporté. Parfois, il leur était donné d'avoir un lièvre à rôtir, après qu'une flèche d'Euryale l'eut empalé. Toujours elles accompagnaient le repas d'eau fraichement puisée, et de quelques produits de la forêt comme les champignons comestibles, quelques racines ou bien encore les premières baies de la saison.

Au terme de la troisième nuit, elles dormirent dans la clairière-aux-tigres, un lieu nommé ainsi car on eut déduit que Mélissande vécu là, auprès de sa meute de tigres des neiges.

À la belle étoile, elles dormaient toujours. Euryale laissant toujours davantage de couverture à l'enfant, ainsi que les épaisses fourrure qui la gardaient de la morsure du froid, que l'été n'avait pas encore chassé.

Le lendemain, dans la belle clairière, elles se consacrèrent à la prière. Bien qu'au terme de quelques heures, Euryale permit à Marianne de se détendre, d'observer la nature et aller jouer sans trop s'éloigner. Après tout, c'était une enfant. Elle était plus près de Dieu que ceux qui avaient tant à expier, des souvenirs cumulés.

Elles y passèrent une seconde nuitée, à la suite de quoi elles s'en furent vers une rivière où l'eau vive coulait en trombe, en bouillonnait presque. Elles se dévêtirent et s'y baignèrent, alors qu'Euryale énonçait formulations coutumières à ces ablutions de purification, apprises sur le bout des doigts de son missel écorné.

-Eau vive, issue de la terre, chauffée par Ton Saint Astre. Retire de nos corps toute souillure, et emporte avec toi la souillure et les maux de nos âmes. Qu'Adaelle bénisse l'eau vive ou la sainte elle-même s'est baignée, et de la même manière qu'à elle nous consente ses grâces.

Fais de nous êtres neufs, renouvelés en ta lumière, lavés du mal et du péché.

Au sortir de l'eau, Euryale drapa l'enfant que le félin, aussi humide, venait tenter de réchauffer, d'une peau de fourrures sèche, avant de se draper elle-même.

Elle ne prit, en son sac, que ce qui leur était, dans l'absolu, vital. Compte tenu que le pélerin devait, dès ce point, aller dans un dépouillement quasi-absolu. Vêtues et lavées de frais, elles s'en furent vers la montagne, qui au loin se dressait, voilée par les arbres aux hautes cimes.

Elles arrivèrent après une journée continue de marche, au pied de la montagne. La randonnée, sur cette montagne de gris et d'ivoire, où ne poussait que quelques plantes rares, aggripées à la paroi et aux abords des sentiers escarpés, fut ardue.

Euryale incita la petite à continuer d'égréner son chapelet, malgré les difficultés de l'entreprise, et l'aidait autant que faire se pouvait, alors que le félin sautait d'un escarpement à l'autre à leur suite.

Après deux jours de randonnée, elles furent enfin au sommet, observant la forêt s'étendant en contrebas. Le sommet était aménagé, en une terrasse rocheuse, à la pierre sculptée en une fresque aux symboles religieux.

Sur ce parterre, poussaient maintes fleurs délicates, d'un blanc immaculé.

-Les edelweiss, Marianne. Sa fleur. Les pélerins les trouvent ici. C'est un symbole. Celle de l'effort compensé, de l'effort qui purifie l'âme et le corps. De la symbiose avec ce monde, que les fervents d'Odéon doivent partager. Cueillons en une pour toi. La mienne, je l'offrirai à quelqu'un de méritant.

Euryale cueillit deux fleurs. Elle en offrit une à Marianne, la piquant en sa chevelure déjà ornée d'une autre fleur. Puis en drapa une dans un chiffon humidifié du contenu de sa gourde.

Là dessus, elles entreprirent l'aussi long chemin du retour.

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Elle revint à Citria, éreintée plus que jamais. Elle s'en fut border Marianne, dans sa chambrette assignée par le clergé, et retourna aux écuries, pour y coucher.

Épuisée, elle observa les poulains nouveaux-nés auprès de leur mère. Elle jaugea l'état des lieux, le sang au sol qu'elle devrait nettoyer. Elle avisa de se lever... mais trop recrue de fatigue, sa tête se reposa sur l'oreiller. Malgré le tumulte, les hennissement, l'odeur du foin, elle s'endormit sans peine. Demain... au réveil, elle reprendrait les rennes de tout.

Les écuries, le centre de soins, le soin des bêtes du Roi, la diplomatie, la charité, ses actions au nom de la culture hastane, au sein de l'Académie... toutes ces fonctions qui jamais ne lui accorderaient, aussi paradoxal que ce soit au sein de la Cité Nobiliaire, aucun crédit...